Auteurs et producteurs signent successivement, deux nouveaux accords par l’intermédiaire des organismes professionnels les représentants et des organismes de gestion collective.
Ces accords visent à subordonner l’attribution des aides financières par le CNC relatives à la production et la préparation d’une œuvre audiovisuelle, à l’insertion de clauses types dans les contrats conclus avec les auteurs d’œuvres audiovisuelles (accord du 17 septembre 2021) et les auteurs d’œuvres cinématographiques (accord du 12 octobre 2021).
Les clauses contenues dans ces accords sont de 2 ordres :
- des clauses visant à s’assurer du respect des droits moraux des auteurs (droit au respect du nom et de la qualité de l’auteur, établissement de la version définitive de l’œuvre),
- des clauses visant à s’assurer que la rémunération des auteurs respecte le principe de rémunération proportionnelle et de fixation pour chaque mode d’exploitation, selon les modalités édictées par les articles L.131-4 et L.132-25 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Les accords rappellent que « la rémunération doit être conforme aux accords professionnels relatifs à la rémunération des auteurs rendus obligatoires en application de la loi. »
Ces accords, pris en application de l’article 26 de l’ordonnance n°2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive n°2018/1808 sur les services de médias audiovisuels (SMA), sont d’une portée limitée sur un plan strictement juridique, puisqu’ils consistent à imposer la contractualisation de dispositions législatives existantes.
Pour autant, l’impact économique de ces accords n’est pas négligeable. En effet, l’absence de l’une de ces clauses types dans un contrat de production audiovisuelle conclu entre un producteur et un auteur, devrait conduire le CNC à refuser l’attribution des aides financières.
A noter que l’article 24 de l’ordonnance de transposition de la Directive SMA précitée, prévoit également que la non-conformité d’un contrat portant sur la production d’une œuvre aux dispositions relatives à la protection des droits moraux des auteurs et à leur rémunération, ne permettra pas la prise en compte de cette œuvre au titre des obligations d’investissement des plateformes ou des chaines de télévision.
Une manière de sensibiliser les producteurs au respect de la loi et de mettre un terme à l’insertion dans les contrats conclus avec les auteurs, de clauses illicites au regard du droit d’auteur.
Une vigilance particulière devra donc être observée lors de l’élaboration des contrats de production audiovisuelle.
Le 12 mai 2021, la France a transposé plusieurs dispositions de la directive européenne 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins du 17 avril 2019, dont l’article 18 consacré à la fixation de la rémunération des artistes-interprètes.
Le texte adopté impacte profondément le régime de rémunération des artistes-interprètes au titre de la cession de leurs droits sur leur interprétation, en opérant un rapprochement très significatif avec le régime jusqu’alors réservé aux auteurs.
Le principe d’une rémunération appropriée et proportionnelle
Est consacré le principe d’une rémunération appropriée et proportionnelle des artistes-interprètes. Cette rémunération devra être appréciée par rapport à la « valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés, compte tenu de la contribution de l'artiste-interprète à l'ensemble de l'œuvre et compte tenu de toutes les autres circonstances de l'espèce, telles que les pratiques de marché ou l'exploitation réelle de la prestation » (nouvel article L.212-3 II alinéa 3 du Code de la Propriété Intellectuelle - CPI).
Cette nouvelle disposition vient atténuer les disparités de traitement existantes entre les artistes-interprètes suivant leur secteur d’activité. En effet, d’un côté il y avait les artistes-interprètes qui bénéficiaient déjà d’un régime de rémunération spécifique relativement protecteur mis en place au fil des années avec l’aide des lobbying (notamment dans les secteurs de la musique et à moindre mesure, de l’audiovisuel) et de l’autre côté, les « oubliés du système », ceux pour qui rien n’était vraiment prévu (les danseurs, les comédiens dramatiques, les magiciens, etc.).
Désormais le principe de la rémunération appropriée et proportionnelle concernera tous les artistes-interprètes, sans distinction.
Pour autant, certaines disparités vont perdurer, puisque les nouveaux textes viennent compléter les dispositifs spécifiques à certains secteurs préexistants, sans les étendre ni les modifier.
Ainsi dans le secteur audiovisuel, où existait déjà le principe d’une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation (article L.212-4 CPI), le nouvel article L.212-3 II, de portée plus générale, viendra compléter ce dispositif en y ajoutant l’exigence de proportionnalité.
Les contrats devront donc prévoir une rémunération appropriée et proportionnelle, distincte pour chaque mode d’exploitation.
Quid du calcul de la rémunération proportionnelle ?
A la différence du droit d’auteur, aucune assiette n’est imposée pour le calcul de la rémunération proportionnelle des artistes-interprètes. Il n’est donc pas nécessaire de se référer au prix de vente payé par le public ou aux recettes d’exploitation, la seule exigence tenant à ce que la rémunération soit proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits cédés.
Néanmoins, des difficultés d’interprétation et de mise en œuvre de ce critère sont à prévoir, tant il peut paraître difficile d’évaluer par avance cette valeur économique, fût-elle réelle ou potentielle :
Le législateur prévoit que pourront être pris en compte certains critères, à savoir :
- la contribution de l'artisteinterprète à l'ensemble de l'œuvre,
- et toutes les autres circonstances de l'espèce, telles que les pratiques de marché ou l'exploitation réelle de la prestation.
Mais surtout, le législateur opère un renvoi express à la négociation collective et aux accords professionnels afin de « déterminer, en tenant compte des spécificités de chaque secteur, les conditions de mise en œuvre du présent article. » (Article L.212-3 II CPI).
Le recours au forfait par exception au principe
En outre, comme en droit d’auteur, le principe de la rémunération proportionnelle connaît des exceptions.
Le recours au forfait sera en effet permis, dans des cas limitativement prévus (ex : lorsque la base de calcul ne peut être déterminée, en l’absence de moyens de contrôle, ou lorsque les coûts exposés pour mettre en œuvre ces moyens sont disproportionnés, lorsque la contribution de l’artiste-interprète ou son utilisation présente un caractère accessoire. – cf. article L.212-3 II CPI).
Par ailleurs, le principe de la rémunération proportionnelle n’empêche pas qu’une autorisation puisse être donnée à titre gratuit (cf. en ce sens le considérant 82 de la directive).
Révision et transparence
Les exploitants devront être vigilants lors de la négociation des rémunérations avec les artistes-interprètes, étant précisé que le nouveau dispositif tel qu’issu de la directive prévoit un mécanisme de révision de la rémunération de l’artiste-interprète ouvrant droit à rémunération supplémentaire pour l’artiste-interprète, « lorsque la rémunération initialement prévue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation par le cessionnaire », la contribution de l’artiste pouvant alors être prise en considération pour évaluer la situation (article L.212-3-2 CPI).
Des obligations de transparence seront également mises à la charge des exploitants au titre de la réédition des comptes. Elles entreront en vigueur au 7 juin 2022 (article L.212-3-1 CPI à venir).